Fête de Dieu en 1913
debout à droite Henri Sarramon

Nous avions de magnifiques fêtes de Noël, des processions de fêtes de Dieu avec des reposoirs dans différents quartiers de Montréjeau.

Henri était enfant de chœur, et nous faisions partie du cortège de très nombreux enfants dans leurs plus beaux atours, une corbeille garnie de dentelles suspendue à notre cou. A chaque reposoir nous nous arrêtions, la chorale chantait et tandis que le Prêtre soulevait l’Ostensoir, nous étions tous fiers de l’honorer en jetant les pétales de roses dont étaient remplis nos corbeilles.

Pour la fête locale de la Saint Jean, nous avions, la veille au soir, un feu magnifique que notre clergé bénissait avant que la jeunesse ne s’amuse à sauter les flammes.

Une de nos distractions annuelles étaient le passage des troupeaux de chèvres et de moutons au moment de la transhumance. Ils s’arrêtaient devant les maisons pour proposer du lait. Nous arrivions avec nos bols, le berger trayait les brebis devant nous, et Henri et moi, nous nous régalions de ce goûter particulier. Tandis que Marthou ne sachant pas l’apprécier, se moquait de la mousse ornant nos lèvres qui avait fait nos délices. 



Les paysans se rendant au marché

Place du foirail

Sur la place, en haut de la côte à droite, le lundi se tenait le marché des bovins. Les paysans venaient de tous les environs avec leurs vaches et leurs veaux. A mi-côte, pas loin de Casteljoli se tenait le marché des moutons.

Celui des cochons étaient du côté du cimetière. Le marché de Montréjeau était l’un des plus importants de toute la région. On fêtait aussi le 14 juillet avec panache : grand bal et feu d’artifice sur la place du bétail, nous l’admirions de chez ma sœur, sur le balcon de la tannerie de son mari.

Le goûter…

Le dimanche en sortant de la messe, nous allions chez grand mère. Elle nous faisait un sucre d’orge. Elle avait préparé les ingrédients et nous attendait pour les faire.

Nous choisissions le parfum : menthe, anis, citron dont elle versait quelques gouttes d’extrait. Nous prenions encore plus de plaisir à la regarder rouler le sucre sur la plaque de marbre pour transformer le grand boulet , qu’à le déguster. Tante Marie habitait l’étage au dessus.

Elle nous invitait de temps en temps avec des voisins de notre âge. C’était la fête, non seulement elle nous préparait un bon goûter mais également des jeux.

Celui qui m’a marquée le plus, consistait à pécher à la ligne des petits cadeaux, avec un bambou, une ficelle et une épingle retournée, souvent des objets qu’elle avait confectionnés pour nous. C’est elle qui m’a appris à faire le chocolat « tante Marie » dont vous êtes si friands. Elle le présentait dans un plat émaillé bleu avec l’intérieur blanc, nous y puisions chacun avec notre cuillère en riant de bon cœur. 

 Le lundi, avec le marché, était d’une grande importance. J’allais « aider » au magasin de Tantinette (à côté de chez Suber le pâtissier). Elle avait ce jour là deux employées. J’allais de l’une à l’autre et m’amusais d’entendre les commentaires : «  vous me faites un petit prix, vous essayez toujours d’en obtenir un en achetant mes poulets », le tout émaillé de patois très proche de celui du Val d’Aran. Je ne savais pas le parler, mais je le comprenais en partie. Le marché, c’était aussi par moment l’achat d’une sucette particulière. Une paysanne la fabriquait, avec une noix enfermée dans un caramel, terminé en forme de sucette : un régal !

Montréjeau vue aérienne

A Noël…

Nous n’étions pas gâtés comme maintenant à l’occasion de toutes sortes de fêtes, mais à Noël c’était merveilleux. Nous allions à la messe de minuit, au retour, un petit réveillon à base de chocolat au lait, croissants et brioches.

Avant de nous coucher, nous mettions nos souliers à la cheminée du salon où papa avait installé un magnifique sapin. Le matin, ô merveille ! il était tout illuminé et entouré de magnifiques cadeaux, plus beaux les uns que les autres.

Papa jouait la comédie en faisant semblant de ne pas pouvoir ouvrir la porte du salon, il en chargeait alors Marthou ou moi. Infiniment plus naïfs que les enfants de maintenant, vivant beaucoup entre nous, donc pas initiés par d’autres, nous avons cru longtemps à la venue du « petit Jésus ».

Après ces années de bonheur, j’ai eu du mal à profiter, jeune mariée, de ma lune de miel comme on la qualifiait alors. Pour moi c’était plutôt une « lune de fiel » : mal acceptée par ma belle famille (Tante Guitte et Oncle Pierre excepté). La gentillesse de mon mari ne suffisait pas à mon bonheur. Bon Papa Rouch, devenu si bon par la suite, se plaignant à Papa, s’est incliné devant son attitude : « notre fille était notre rayon de soleil, si elle ne vous convient pas, rendez-là nous ».

De cette hostilité, est venu s’ajouter le plus grand chagrin de ma vie : la mort de ma soeur aînée, Louise, emportée en pleine vie en quelques jours, par la fièvre typhoïde.

 

Louise, Simone, Henri et leur maman (1915).

Seule, l’arrivée de Geneviève, ma fille, est venue me redonner goût à la vie. Non seulement à moi, mais aussi à Maman, anéantie de chagrin.

Puis la vie a continué, celle d’aujourd’hui est complètement différente. Est-elle meilleure ou moins bonne ? Au point de vue matériel, elle nous apporte bien des facilités, nous épargne de la fatigue et du travail, nous procure la possibilité d’occuper nos loisirs. La télévision nous permet une vision sur le monde, nous aide à vivre « avec son temps », même si parfois, elle nous exaspère par l’usage immodéré qu’en font nos enfants. L’intelligence, le génie de l’homme lui ont permis de créer des inventions extraordinaires, à lui maintenant d’apprendre à les gérer.

En contrepartie, la vie d’aujourd’hui nous inquiète par le manque de morale, son égoïsme, ses exigences (on veut tout et tout de suite).

Dans ce monde un peu fou, des jeunes émergent fidèles à des valeurs sûres. Faisons leur confiance pour bâtir un avenir meilleur.

Au terme de cette vie, je ne regrette rien. Elle m’a comblée avec son lot de joie, malgré ses épreuves, ses peines. Elle m’a comblée de ce que je trouve essentiel : l’Amour que j’ai reçu, celui que j’ai donné.

Je remercie le ciel, et vous mes enfants bien aimés, d’y avoir si largement contribué.

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